Photographies de Francis Kauffmann

Tu as quarante ans, cinquante peut-être. C’est bête à dire, mais tu ne l’as pas vu venir. Comment tu en es arrivé là ? Arrivé n’est pas le mot. Car en réalité, tu n’es jamais parti. Tu es resté, immobile, dans les starting-blocks de tes treize ans.
Combien de fois as-tu embrassé avec la langue ? Mille, dix mille, cent mille fois ? Mais à chaque fois, ce que tu recherches ardemment, c’est le premier baiser. Le seul qui compte vraiment, celui qu’on attend longtemps, celui qui arrive trop vite – celui qui ne passe jamais.
Tu plantes ton drapeau dans le passé.
Soyons clairs : tes papiers d’identité sont falsifiés. Ton sexe, ton âge, ta taille, ton état civil : tout est faux. Bullshit. Tu as treize ans forever, tu portes un appareil dentaire, tes parents t’envoient en colo – ils sont certains que cela te fera le plus grand bien.

Née à Marseille en 1978, Marion Muller-Colard est alsacienne d’adoption depuis plus de la moitié de sa vie. Théologienne de formation, elle publie des essais aux éditions Labor et Fides (L’Autre Dieu) et aux éditions Bayard (L’intranquillité). En fiction, elle est essentiellement publiée aux éditions Gallimard, depuis son premier roman pour la jeunesse (Prunelle de mes yeux) à son roman en littérature générale le plus récent (Wanted Louise). Elle est membre du Comité Consultatif National d’Ethique depuis 2017.

Né en 1966, Francis Kauffmann est un photographe marcheur comme Bernard Plossu qui a écrit dans la préface de son premier livre paru en 2014 chez Médiapop (Du thé et des sourires) : « Francis Kauffmann est un homme présent, présent aux choses et présent aux gens : disponible. »